Croissance et environnement : je t’aime, moi non plus

C'est la question sur laquelle s'affrontent les économistes : la croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l'environnement ? A-t-elle un impact écologique ?

Qu'est-ce que la croissance ?

La croissance économique correspond à l'augmentation de la quantité de biens et de services produits dans un pays. Pour simplifier, elle sert principalement à évaluer l'état de santé économique d'un pays à un moment donné. La croissance est calculée à partir du PIB. Selon Serge Latouche, un économiste français, notre société tout entière repose sur la croissance & ne peut s'en passer.

Cette dépendance est basée sur trois leviers : la publicité, qui suscite le désir de consommer, encore et encore, le crédit bancaire qui permet de continuer à acheter même si l'on n'a plus d'argent, et l'obsolescence (les produits achetés sont conçus pour cesser de fonctionner à un moment donné, et donc être remplacés).

Quels sont les impacts de la croissance économique sur l'environnement ?

D'un point de vue économique, la croissance est considérée comme une bonne chose. Elle est associée à l'emploi, à la prospérité et à la réduction des inégalités. Mais en ce qui concerne la protection de l'environnement, la situation est plus complexe.

Les aspects positifs de la croissance

Théoriquement, selon la courbe de Kuznets environnementale, à partir d'un certain point, la croissance serait bénéfique pour l'environnement. Ainis, plus une population est fortunée, plus elle est disposée à payer pour vivre dans un environnement sain. C'est le post-matérialisme : quand les besoins matériels sont satisfaits, on accorde plus d'importance à sa qualité de vie et à la bonne santé de notre environnement.

La croissance encourage le progrès technique et l'innovation, deux concepts qui rendent possibles l'élaboration de technologies moins polluantes et gourmandes en ressources naturelles.

Les aspects négatifs de la croissance

La croissance économique a été conçue dans un monde sans contraintes physiques. Or, il est impossible d'avoir une croissance infinie... dans un monde fini. En d'autres termes, aujourd'hui, le concept de croissance est déconnecté de la réalité.

Même si le progrès technique nous permet de produire tout en polluant moins qu'il y a 200 ans, cela n'est pas non plus une solution miracle. Ou du moins, cela ne résout pas la situation actuelle. 

La recherche d'une croissance économique infinie, et les modes de vie qui en découlent (société de consommation), ont un coût environnemental : pollution, déchets, émissions de gaz à effet de serre... Les conséquences pour la planète sont réelles, parfois irréversibles.

Peut-on protéger l'environnement et maintenir la croissance ? 

Ceux qui pensent que oui : l'économie de l'environnement

Les économistes "classiques" avaient quelque peu omis la nature de leurs équations. Ils ont dû la réintégrer car il devenait difficile de faire comme si les ressources naturelles n'étaient pas en train de disparaître. Ce courant économique tente donc de concilier la croissance avec la protection de l'environnement. On parle alors de développement durable, de croissance verte ou encore de bioéconomie.

Comment ? "Les économistes pensent que si on détruit la nature, c'est parce qu'elle nous rend des services gratuits, comme la photosynthèse ou la pollinisation, explique Delphine Pouchain, maîtresse de conférences en sciences économiques à Sciences Po Lille. Les ressources naturelles n'ont pas de propriétaires : les arbres, les poissons n'appartiennent à personne."

Cette gratuité pose problème dans le cadre économique. Leur solution : attribuer un prix à ces services rendus par la nature. Ainsi, cela peut être pris en compte dans les calculs économiques.

Ceux qui pensent que non : l'économie pour l'environnement

De nouvelles théories économiques proposent de limiter la croissance.

C'est le cas de la théorie du donut, qui reconnaît un "plafond" de ressources naturelles à ne pas dépasser et un "plancher" de bien-être que l'être humain doit atteindre pour vivre dignement. L'espace entre ce "plancher" et ce "plafond" représente un monde qui respecte à la fois les besoins minimaux des humains et qui ne surexploite pas la planète. L'objectif n'est donc plus d'atteindre une croissance infinie, mais simplement de respecter les limites du donut. "Cette théorie n'est pas trop prise au sérieux pour le moment, reconnaît Clara Botto, étudiante en master de développement international et politique publique et membre de Youth for Environment Europe,même si la ville d'Amsterdam par exemple l'a adoptée comme base pour élaborer ses politiques publiques."

C'est ausi le cas de la décroissance, qui défend une sortie de la croissance économique par la réduction de la consommation. Lancé dès les années 70, ce concept politique et économique cristallise la méfiance. Delphine Pouchain appelle cependant à l'envisager sérieusement comme une piste de sortie de notre modèle actuel : "Si la décroissance n'est pas planifiée, elle risque de s'imposer à nous de manière brutale et pas forcément démocratique", alerte-t-elle.

"Même les étudiant·es en économie ne sont pas bien préparé·es à ces nouveaux sujets, explique Clara Botto. Il faudrait modifier la manière dont est enseignée l'économie, pour montrer qu'aujourd'hui il y a plein d'alternatives au capitalisme et à la croissance." Ainsi que former les professeurs d'économie : "La prise de conscience doit aussi venir des professeur·es d'économie. La plupart sont brillant·es mais continuent à enseigner des concepts qui ne sont plus d'actualité. Ils devraient mettre leurs cours à jour pour coller avec le monde d'aujourd'hui."

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